La France sous les projecteurs au Festival international du film
La France sous les projecteurs au Festival international du film de Thessalonique
La 62ᵉ édition du Festival international du film de Thessalonique (en anglais TIFF), rendez-vous cinématographique annuel majeur de la Grèce et du bassin méditerranéen, s’est tenue du 4 au 14 novembre 2021.
Comme lors des précédentes éditions, la France y a occupé une place de choix : deux films français, Petite Nature, de Samuel Theis, et Au jour d’aujourd’hui, de Maxence Stamatiadis, ont été primés par le jury, le premier remportant le prix le plus prestigieux, l’Alexandre d’Or Theo Angelopoulos (meilleur film dans la catégorie internationale).
Le festival avait par ailleurs mis la France à l’honneur cette année, en projetant des films français lors des cérémonies d’ouverture et de clôture (L’Évènement, adaptation d’un roman d’Annie Ernaux par Audrey Diwan, et Les Olympiades, de Jacques Audiard), et en rendant hommage au cinéaste Jean Renoir. Plus d’une quarantaine de productions et coproductions françaises étaient en outre à l’affiche du festival, dont plusieurs ont été récompensées par les prix les plus significatifs, dans chacune des catégories.
Ce lien privilégié entre la France et le festival vient de loin : il s’est forgé dès sa création, et n’a pas perdu de sa vigueur au fil des années. Il s’incarne, dès son origine, dans la relation entre deux intellectuels passionnés de cinéma : le Grec – et francophile – Pavlos Zannas¹, et le Français Henri Ehret. Leur collaboration débute dans les années 1950, lorsque qu’Ehret prend la tête de l’Institut français de Thessalonique et décide de promouvoir les projections cinématographiques comme volet essentiel de l’action culturelle française dans le nord de la Grèce². C’est dans ce cadre que, en 1955, il suggère à Pavlos Zannas la création du ciné-club « Art » (Techni en grec) ; celui-ci, séduit, en prend aussitôt la direction. Au cours des années qui suivent, le ciné-club connaît un franc succès, permettant au public grec de découvrir des films originaux, exclus des réseaux habituels de distribution commerciale ; une place de choix est ainsi réservée aux films de la Nouvelle vague française, dont les projections sont organisées en partenariat avec l’Institut français de Thessalonique, l’Institut français d’Athènes et la Cinémathèque française³, en présence d’intellectuels français emblématiques.
Finalement, en 1960, Pavlos Zannas, fort de ses cinq années à la tête du ciné-club, fonde la Semaine du cinéma grec, ancêtre de l’actuel festival. Lorsque, en 1966, il parvient à la doter d’une section internationale, c’est un film français qui remporte le premier prix, La guerre est finie, d’Alain Resnais.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là : en 1992, le festival, qui avait perdu sa section internationale sous la dictature des colonels, retrouve son envergure, et prend le nom de Festival international du film de Thessalonique (TIFF) que nous lui connaissons aujourd’hui ; le tout sous l’impulsion de Michel Demopoulos, le nouveau directeur (1991-2005), de nationalité… franco-grecque⁴.
Aujourd’hui, c’est encore une Française, Elise Jalladeau, qui dirige le festival, depuis 2016. Le directeur artistique, Orestis Andreadakis, est quant à lui un parfait francophone, grand connaisseur du cinéma français. Εnfin, c’est la productrice Marie-Pierre Macia, française elle aussi, qui a été chargée de créer les marchés professionnels de la section Agora⁵ et du forum Crossroads, à l’époque de la directrice Despina Mouzaki, dans le but de favoriser les échanges et les coproductions internationales. Une initiative porteuse, qui a contribué à faire du TIFF le festival le plus important du pays et l’un des premiers rendez-vous professionnels en Europe, lequel continue d’attirer des partenaires du monde entier venus coproduire des films grecs.
La France, dont la politique constante de coproduction et de soutien aux industries cinématographiques nationales, ainsi que la qualité de sa production, en font l’un des acteurs majeurs de la scène internationale, compte bien sûr parmi ces partenaires. Gageons qu’elle le restera longtemps, pour le plus grand plaisir des cinéphiles, de Grèce, de France, et d’ailleurs …
¹ Pavlos Zannas (1929-1989), francophone, fut notamment un membre fondateur du Centre de traduction littéraire de l’Institut français d’Athènes (1986), et entreprit de traduire, pendant son emprisonnement sous la dictature des colonels et tout au long de sa vie, l’œuvre de Proust, À la recherche du temps perdu.
² Il s’y attachera tant au sein de l’Institut français de Thessalonique (qu’il dirige de 1953 à 1959) qu’au sein de celui d’Athènes (dont il prendra la tête en 1961).
³ Sur les 300 films que projettera le ciné-club, de sa création à sa disparition, près d’un tiers (93) étaient français.
⁴ En 1995, il fut en outre conservateur de la plus grande rétrospective jamais organisée sur le cinéma grec, au Centre Pompidou à Paris, à l’occasion de laquelle fut édité l’ouvrage de référence Le Cinéma grec (ISBN:2-85850-813-5).
⁵ Αgora signifie marché en grec.
Source des illustrations : © Ad Vitam